Chère Ijeawele, ou un manifeste pour une éducation féministe

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Un livre petit par le format, grand par le contenu. L’autrice Chimamanda Ngozi Adichie, qui est Nigériane, est une femme enthousiaste et qui consacre sa belle énergie à interroger la question de la place de la femme dans la société, les rôles qui lui sont dévolus et comment les femmes ont à composer avec tout ça.

Dire ça ne doit pas laisser penser que ce livre est réservé aux femmes ! bien au contraire, tout le monde peut le lire et en tirera bénéfice. Qu’on soit parents ou non, femme ou homme ou non binaire, jeune ou âgé… ce livre nous concerne toutes et tous ! Lisez-le, offrez-le et parlez-en !

Le propos du livre est le suivant : Chimamanda reçoit un courrier de sa cousine qui lui annonce attendre un enfant, elle va donner vie à une petite fille, elle sollicite Chimamanda pour obtenir quelques conseils éducatifs.

Chimamanda n’a pas d’enfants mais elle a beaucoup réfléchi à la question de la place des femmes dans la société et naturellement elle s’est interrogée sur la façon dont l’éducation façonne les rôles de chacun. Elle est donc très bien placée pour éclairer sa jeune cousine dans sa future parentalité.

Ainsi l’autrice décline 15 propositions éducatives ; 15 propositions qui sont plus pertinentes les unes que les autres…

J’en ai retenu une à vous présenter aujourd’hui, car à mes yeux, c’est une pépite : se déconditionner du devoir « altruiste ».

Le devoir altruiste est issu d’une construction culturelle et sociale, ce n’est pas inné, c’est un apprentissage : on éduque la petite fille, puis la jeune femme à s’occuper des autres ; ma petite hypothèse c’est que ça commence avec le cadeau le plus banal offert aux petites filles dès 5 ans : le poupon… on colle un poupon dans les bras d’une petite fille et on lui explique qu’elle doit désormais s’en occuper ! Tant qu’elle est mobilisée à donner les bons soins à son poupon, elle ne s’attache pas à se découvrir elle-même ailleurs que dans ce rôle là. Tant qu’elle pousse le landau pour promener son poupon, elle ne court pas à perdre haleine et elle ne grimpe pas aux arbres.

Se déconditionner de ce devoir altruiste c’est un enjeu majeur pour apprendre à se recentrer sur soi, à penser à ses propres besoins avant que de se pencher exclusivement sur ceux des autres… C’est une source de grande souffrance psychique chez les femmes qui finissent par ne plus savoir qui elles sont en tant que Sujet, ni quel sens a leur vie en dehors de ce devoir altruiste.

Or vous aurez remarqué que dans un avion, les consignes de sécurité vous demandent de prendre le temps, en priorité, de mettre votre masque à oxygène en cas de dépressurisation, et ensuite seulement, de vous occuper de la personne à vos côtés, même si c’est un enfant ! Et bien ce devrait être pareil dans la vie courante : d’abord se centrer sur soi, pas pour être égoïste mais pour être en bonne santé, bien nourrie, bien construite, et ensuite s’occuper des autres, à partir de cette belle consistance, de cette richesse propre. Il en va de la bonne santé de la personne elle-même, mais aussi de la relation : si chacun est bien ancré en lui-même, alors il sera plus solide et plus riche pour participer à une belle relation. Bien sûr l’enfant est dépendant de l’adulte qui s’occupe de lui et il est normal que la mère lui consacre du temps et parfois en priorité sur ses besoins à elle. Mais cela n’a pas à se généraliser ni dans le temps car l’enfant grandit et gagne en autonomie, ni à toutes les relations.

Voilà une des suggestions que fait Chimamanda à sa cousine qui comme tout parent souhaite donner le meilleur à sa fille. Je vous laisse découvrir les 14 autres conseils présents dans ce livre.